Centre d'art

Léa Mayer, papier panier piano. Prix Découverte 2014-2015

Extrait du texte écrit par Septembre Tiberghien


Rose is a rose is a rose


Ce qui fait l’intérêt et la singularité du travail de Léa Mayer, c’est son rapport au signe, en tant qu’élément d’un langage culturellement codifié. Influencée par la rigueur des minimalistes – à 18 ans, elle fait un stage à la Chinati Foundation au Texas, où elle est impressionnée par la vue de ces hangars d’avion aux toits de tôle ondulée, remplis de sculptures en aluminium signées Donald Judd – Léa Mayer ne revendique pas pour autant l’héritage de ses prédécesseurs. À la différence de l’art conceptuel, qui tend à substituer le signe linguistique à l’objet esthétique, la jeune artiste préconise une approche à la fois sensuelle et cognitive du dessin. Sa démarche est liée à un savoir-faire et à un souci du détail qui découlent de longs temps d’observations, irrigués par une volonté de révéler l’objet autrement qu’à travers sa représentation iconique. Elle cherche ainsi à outrepasser l’évidence du message pour atteindre un langage plus proche de la poésie. C’est également ce qui la rapproche d’un Magritte ou d’un Broodthaers, qui dans leur méfiance envers le réel, cherchèrent par tous les moyens à l’ébranler, voire à le subvertir.


Aussi, l’observation de la nature et son imitation demeurent-elles au centre des préoccupations de Léa Mayer. Déjà avec la série des Observations drawings, l’artiste relevait les parcours des visiteurs de musées devant les œuvres, avec la rigueur scientifique d’une sociologue. Aujourd’hui, la dessinatrice poursuit cette démarche anthropologique avec l’étude des postures des spectateurs – contrapposto parfois digne des statues antiques – relatant l’état d’absorption mentale et les réactions émotionnelles de ceux-ci. C’est ce rapport contemplatif et/ou participatif du spectateur vis-à-vis de l’œuvre, dans un monde où la culture est souvent traitée comme un divertissement, qui fascine l’artiste. Tout l’art de Léa Mayer consiste en outre à retranscrire, de la manière la plus sincère possible, une partition qui lui a été dictée par avance. C’était le cas dans ses précédents travaux, par exemple Standby (en veille) ou Snapshot (instantanés), où l’artiste interroge par le biais des réseaux sociaux des rêveurs anonymes ou encore des photographes amateurs ou professionnels. Dans le premier cas, il s’agissait de visions hypnagogiques, capturées subrepticement entre veille et sommeil, que les individus tentaient de décrire avec toute l’imprécision caractéristique des rêves. C’est à partir de ces retranscriptions hasardeuses que l’artiste a exécuté ses impressions monotypes, en prenant elle-même des libertés vis-à-vis des mots. Se distinguant ainsi de l’illustration, qui vise à traduire en image le texte d’origine, le dessin épouse toutefois, tant par le choix du médium que par ses nuances colorées et diaphanes, les contours brumeux d’un songe. De plus, la série Standby traduit bien cette situation d’attente, cet état transitoire cause d’une perpétuelle insatisfaction.